Le contexte
Les
forces armées engagées dans la deuxième guerre
mondiale furent pour la plupart amenées à définir
et à utiliser des systèmes de coordonnées
géographiques spécifiques afin de préciser
la localisation de sites ou de cibles situées sur le théâtre
d'opérations. Les combats de la première guerre
mondiale avaient en effet permis de mesurer tout l'intérêt
de tels systèmes qui, utilisés en conjonction avec
des relevés cartographiques adéquats, avaient grandement
contribué à l'amélioration de l'action des
unités d'artillerie sur le champ de bataille. Des considérations
relatives à l'artillerie avaient précisément
conduit l'Armée Française à adopter en 1915
le système de projection Lambert "Zone Nord de Guerre",
couvrant alors le Nord-Est de la France et l'Allemagne, et qui allait
être complété durant l'entre-deux-guerres par
les projections Lambert 1, 2 et 3 afin de couvrir le reste du territoire
français.
En
1919, la Grande-Bretagne adoptait sur son territoire le "Système
Britannique", basé sur une projection cartographique
de type Cassini et sur l'utilisation d'une grille destinée
à faciliter la lecture des coordonnées des points
désignés. Ce système était remplacé
en 1927 par le "Système Britannique Modifié",
plus adapté à la couverture de vastes zones géographiques
et à une utilisation militaire opérationnelle par
des forces terrestres ou aériennes.
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Schéma
de la grille "Britannique Modifiée" ("Modified
British System") utilisée en Grande-Bretagne durant
la seconde guerre mondiale
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Ce
système "Britannique Modifié" allait être
utilisé durant la seconde guerre mondiale par les armées
britanniques et américaines en étant étendu
aux théâtres d'opérations de l'Europe,
de l'Afrique du Nord, du Proche-Orient et de l'Asie du Sud-Est.
Les caractéristiques du système "Britannique
Modifié" utilisé durant la seconde guerre mondiale
Durant
la seconde guerre mondiale, le système "Britannique
Modifié" s'appuie sur la projection Cassini "historique"
utilisée sur le territoire de la Grande-Bretagne, ainsi que
sur une série d'autres projections cartographiques destinées
à couvrir, en étant mises bout à bout, l'ensemble
des théâtres d'opérations.
L'Europe
occidentale est ainsi découpée en une dizaine de zones
dont les relevés cartographiques ont été effectués
à un rythme accéléré à la fin
des années 30 par les services géographiques des Armées
Britanniques (War Office, Geographical Section, General Staff) et
Françaises. Ces relevés seront poursuivis durant le
conflit avec le concours des services américains (Army Map
Service) et révisés grâce à l'exploitation
de nombreux clichés de photographie aérienne.
Dans
le système "Britannique Modifié",
chaque zone géographique projetée est découpée
en carrés de 500 kilomètres de côté désignés
par les lettres, a, b, c... Chaque carré de 500 kilomètres
est lui-même découpé en 25 carrés de
100 kilomètres de côté, eux-mêmes désignés
par les lettres A, B, C... et ainsi de suite jusqu'à Z en
omettant la lettre I.
Ces
carrés de 100 kilomètres de côté,
qui jouent un rôle fondamental dans la détermination
des coordonnées et sont donc très souvent représentés
sur les relevés cartographiques de l'époque, sont
référencés de façon complète
par une combinaison de deux lettres, par exemple vZ, indiquant ici
le carré de 100 km Z inclus dans le carré de 500 km
v.
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Schéma
de la grille "Britannique Modifiée" utilisée
pour la zone "Nord de Guerre"
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La
détermination des coordonnées d'un point dans le système
"Britannique Modifié" s'effectue en deux temps
: en indiquant d'une part la référence du carré
de 100 km à l'intérieur duquel ce point est situé,
et en précisant d'autre part la position exacte du point
à l'intérieur de ce carré.
Un
point est toujours repéré à l'intérieur
d'un carré de 100 km par ses coordonnées x/y respectivement
mesurées sur l'axe des abscisses (Ouest-Est) et l'axe
des ordonnées (Nord-Sud) par rapport au point d'origine
de ce carré (coin inférieur gauche). Selon l'échelle
de la carte utilisée pour leur détermination, ces
coordonnées sont exprimées en kilomètres
ou en centaines de mètres ; un réseau de lignes
verticales et horizontales espacées de 10 km ou de 1 km est
parfois représenté sur la carte afin de faciliter
le relèvement des valeurs x et y.
A titre
d'exemple, la ville d'Alençon est située dans
le carré "vZ" de la zone "French Lambert Zone
1" (LZ1). Lorsque l'on détermine la position de la ville
par rapport à l'origine de ce carré en utilisant une
carte au 1/250000°, on mesure respectivement x=33 km et y=83
km. En formatant ce résultat dans le système "Britannique
Modifié", on obtient finalement la localisation suivante
: (LZ1) vZ 331/835 ou (LZ1) vZ3383, en accolant les différentes
valeurs.
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Grille
"French Lambert Zone 1"
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Autre
exemple, l'aérodrome de Strasbourg - Entzheim est
situé dans le carré "wV" de la zone "Nord
de Guerre Zone" (NGZ). Sa position par rapport à l'origine
de ce carré, relevée à l'aide d'une carte au
1/50000°, est donnée par les valeurs : x=93000 m et y=93700
m. En exprimant ces mesures en centaines de mètres, on obtient
x=930 et y=937, ce qui permet d'obtenir, au format "Britannique
Modifié", les coordonnées suivantes : (NGZ)
wV930937.
La
localisation absolue et "canonique" d'un
point sur le théâtre d'opérations est
donc définie par la combinaison de trois données,
qui sont :
-
le nom de la projection cartographique utilisée
pour la détermination de la position (exemple : "Scandinavian
Zone 3")
- la référence complète du carré
de 100 km contenant le point visé (exemple : "vR")
- les données numériques relatives à
la position du point à l'intérieur du carré
(quatre ou six chiffres selon la précision de la détermination).
Exemple
: Nord de Guerre Zone (NGZ) / rW705951
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En
pratique, les militaires amenés à utiliser ce système
en situation opérationnelle utilisèrent un mode d'écriture
des coordonnées légèrement différent,
comportant directement la référence aux cartes
utilisées pour la détermination de la position
du point visé.
Plusieurs
exemples de références, correspondant à un
même point situé dans la région de Boulogne
(nord de la France), sont ainsi donnés ci-dessous :
- 1/
Reference EUROPE (Air) 1/500000 Sheet "STRAIT OF DOVER"
/ Map Reference vG7461
- 2/ Reference GSGS 3982 (1/250000) Sheet "BOULOGNE" /
Map Reference vG7461
- 3/ Reference FRANCE (Army / Air) (1/250000) Sheet 1 / Map Reference
G7461
- 4/ Reference GSGS 4336 (1/100000) Sheet 5 / Map Reference G7461
- 5/ Reference FRANCE AND BELGIUM (1/50000) Sheet 38 / Map Reference
744616
- 6/ Reference FRANCE (1/250000) Sheet 38 SW / Map Reference 744616
En
l'absence de ces cartes, il n'est possible aujourd'hui d'exploiter
qu'une partie de ces informations. Dans le cas de la référence
n°3 par exemple, les données exploitables sont les suivantes
:
- le
point visé se situe dans le Nord de la France
- le point visé se situe dans le carré ()G
- les données numériques relatives à la position
du point dans le carré sont : 7461
Il
apparaît heureusement ici que ces informations, bien que parcellaires,
sont suffisantes pour pouvoir remonter aux coordonnées complètes
du point. En consultant les grilles utilisées sur le théâtre
d'opération Européen, on constate en effet que la
zone "Nord de guerre" comprend un carré portant
la référence "vG". On en déduit que
les coordonnées "canoniques" du point sont les
suivantes :
Nord
de Guerre Zone (NGZ) / vG7461
Le
chercheur disposant de coordonnées partielles aura donc toujours
intérêt à se référer aux grilles
utilisées sur le théâtre d'opérations
européen, en exploitant au maximum les informations
contextuelles qu'il aura pu obtenir par ailleurs (exemple : opérations
menées dans le nord de la France, dans la région de
Strasbourg, etc...).
La
conversion vers d'autres systèmes de coordonnées
Le
système de coordonnées "Britannique Modifié"
s'appuie, comme nous l'avons vu, sur l'utilisation d'une série
de projections cartographiques destinées à couvrir
la totalité des territoires d'Europe occidentale et centrale.
Ces projections cartographiques correspondent, pour certaines, aux
projections "nationales" utilisées avant
guerre par les pays bélligérants comme la Grande-Bretagne
("Cassini Grid") ou la France (Lambert 1, 2, 3 et "Nord
de Guerre"). La couverture des autres zones géographiques
dût être assurée à l'aide de projections
totalement nouvelles, à l'image des projections utilisées
pour les péninsules italiennes et ibériques, calculées
à la fin des années 30 et au début de la seconde
guerre mondiale.
Dans
le cas des projections existantes, la définition des grilles
"Britannique Modifié" fût très simple,
comme nous allons le voir ici au travers de l'exemple des zones
"French Lambert", représentatif de la démarche
suivie pour toutes les autres projections.
Comme
cela a été évoqué plus haut, le Service
Géographique des Armées Françaises utilisait
cinq projections géographiques en 1939, correspondant à
cinq grandes zones découpant son territoire :
- La zone "Nord de Guerre" couvrant la partie Nord-Est
de la France (ainsi que la Belgique et l'Allemagne),
- La zone "Lambert 1" couvrant le tiers nord-Ouest de
la France,
- La zone "Lambert 2" couvrant le tiers central de la
France,
- La zone "Lambert 3" couvrant le tiers sud de la France,
- La zone "Lambert 4" couvrant la Corse.
(il
est à noter que les projections Lambert 1, 2, 3 et 4 sont
toujours utilisés en France de nos jours, une modification
des formules de calcul ayant toutefois été apportée
en 1948).
Le
système de coordonnées Lambert utilisé pour
ces cartographies repère les points géographiques
à l'aide de coordonnées X et Y exprimées en
mètres. Par exemple, les coordonnées du centre de
la ville d'Alençon, relevées sur une carte "Lambert
1" d'époque, sont : X=433300 m et Y=83500 m.
Les
grilles liées au "Système Britannique"
furent naturellement appliquées de façon à
simplifier au maximum la conversion des coordonnées d'un
système vers l'autre, et c'est ainsi que les carrés
de 100 kilomètres du système britannique furent
délimités par des lignes verticales et horizontales
correspondant aux valeurs Lambert X=100000 m, X=200000 m, X=300000
m... , Y=100000 m, Y=200000 m, Y=300000 m...
Grille
"French Lambert Zone 1"
Grille
" French Lambert Zone 2"
Grille
" French Lambert Zone 3"
L'utilisation
de ces grilles pour une conversion de coordonnées
"Britannique Modifié" vers les coordonnées
Lambert correspondantes est très simple, comme le
montre l'exemple suivant :
L'aérodrome
de Rennes-Saint-Jacques a pour coordonnées "Britannique
Modifié" :
(LZ1) vX962494
1/
on repère les coordonnées de l'origine (coin
inférieur gauche) du carré vX de la grille "French
Lambert Zone 1".
Ces
coordonnées sont : X0=200000 m et Y0=0 m.
2/
Les coordonnées Lambert 1 (X,Y) de l'aérodrome
sont calculées ainsi :
X=
X0 + (962x100) = 200000 + (962x100) = 296200 m
Y= Y0 + (494x100) = 0 + (494x100) = 49400 m
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Les systèmes Lambert 1, 2 et 3 étant toujours utilisés
en France de nos jours, il est relativement aisé de localiser
un point dont les coordonnées sont exprimées dans
le système "Britannique Modifié" en reproduisant
le calcul ci-dessus et en consultant une carte de l'IGN (Institut
Géographique National).
En
revanche, les projections "Nord de Guerre", "British
Cassini Grid", "Nort Italy Zone", "South
Italy Zone", etc... n'étant plus utilisées,
il est indispensable d'effectuer la conversion des coordonnées
vers un autre système, plus adapté à la localisation
de points sur une carte moderne.
C'est
dans cet esprit que le "Traducteur
de coordonnées" proposé sur ce site a
été développé : partant de coordonnées
complètes exprimées dans le système "Britannique
Modifié", il permet d'obtenir les coordonnées
géographiques correspondantes exprimées en termes
de latitude et de longitude. Ces coordonnées
peuvent ensuite être exploitées relativement facilement
à l'aide de cartes géographiques suffisamment détaillées
ou d'atlas numériques à l'image du site MapQuest.
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